Beaucoup de personnes me disent que confrontés à un ours, ils seraient terrorisés. Ils s’imaginent hurlant, s’enfuyant à toutes jambes, ou alors paralysés par la peur.
Je ne veux pas faire de généralité, mais je peux vous parler de mon expérience.
Avant de le rencontrer, il y a cette appréhension ; ce mélange fait de désir, d’angoisse et de frissons. C’est presque toujours quand on ne l’attend plus, quand on veut plier bagages que l’on aperçoit, au détour d’un arbre, cette masse imposante.
Une ombre noire, dont le poids peut aller de 100 à 600 kg, qui se déplace avec une légèreté étonnante, dans un silence quasi absolu. Si le sentier est parsemé de bois morts, il va les contourner. Il ne s’annoncera jamais par des crissements de feuilles ou de branches. L’ours semble humble, respectueux de ce qui l’entoure, comme le gardien fidèle d’un sanctuaire religieux.
A chaque fois je suis fasciné. Fasciné par sa puissance, par la longueur de ses griffes, par le privilège de l’instant.
Oui j’ai peur. J’ai peur car c’est un animal sauvage et que si c’est une mère accompagnée de ses petits, les conséquences de cette rencontre peuvent être désastreuses.
Mais à chaque fois, je tombe amoureux. Cet ourson de l’enfance, cet ourson des histoires, cet ourson des documentaires à la télévision, cet ourson que l’on sert contre soit, que l’on cajole, que l’on aime.
L’homme et l’ours ont un long passé commun. Nous avons fréquenté les mêmes grottes pendant des millénaires, nous avons voyagé dans les mêmes plaines. Nous avons une histoire commune qui nous attire l’un vers l’autre, irrémédiablement.
Lorsque l’ours me voit, il y a cet échange qui me galvanise. Souvent, à cet instant, j’abaisse l’appareil photo pour le fixer au fond du regard. Que pense-t-il à cet instant ? Moi je pense qu’il est beau, fascinant, irréel.
Parfois, l’ours s’en va lorsqu’il me repère. Parfois, au contraire, il s’approche. A cet instant, l’adrénaline traverse tout mon corps. Impossible de savoir pourquoi l’ours s’approche. Est-il fâché ou curieux ? Jusqu’à présent, je n’ai rencontré que des ours intrigués par cet homme, perdu dans son bois. C’est une sensation étrange que d’être l’observateur observé. L’ours parfois, s’assied à 3 ou 4 mètres et me regarde. Cela dure en général longtemps ; entre 15 minutes et une heure ! Quelques fois, il se perd dans ses pensées… Souvent, je lui trouve un air mélancolique…
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