Sur les traces dInto the Wild

Dimanche, 02 Octobre 2011 21:31 Pierre
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Maxime Gouyou Beauchamps et Robin Menon se sont lancés sur les traces de Christopher "Supertramp" McCandless, rendu célèbre par le film Into the Wild de Sean Penn. Récit d'une aventure à haut risque...

Nous y voilà ! C'est maintenant que tout se joue. Si nous voulons atteindre le Magic Bus, il nous faut traverser cette rivière, la Teklanika qui coule avec rage devant nous. C'est précisément cette rivière qui a empêché Christopher McCandless, alias Alexander Supertramp, de retourner à la civilisation après avoir passé près de trois mois dans le bus 142, rendu célèbre par le film de Sean Penn « Into the Wild ».

C'est en mai que notre histoire commence, alors que je retrouve mon ami Robin à Vancouver et que nous prenons la route à la découverte du Nord-ouest américain. Nous passons un mois au Yukon, à s'imprégner de l'ambiance unique qui règne dans les territoires du nord du Canada. Notre but est de nous préparer pour une expédition de plus d'un mois en canoë, en totale autonomie, au beau milieu de l'Alaska. Au menu, nous avons le choix entre randonnée, canoë, pèche, apprentissage des règles du Nord, règles à respecter afin de se protéger au mieux du climat, des ours et des moustiques !

Trouver le Magic Bus

En juin, nous passons en Alaska, et alors que nous avons quelques jours de libre avant le grand départ, nous décidons d'aller au Magic Bus de Chris McCandless ! Après avoir trouvé de rapides renseignements sur le web et acheté les cartes de la région de Healy à l'Université de Fairbanks, nous voilà partis pour l'aventure ! Nous laissons notre voiture a Eight Mile Lake, endroit où Chris McCandless a commencé, lui aussi, sa route à pied.

A peine 100 mètres le long du Stampede trail, nous nous heurtons aux premières zones détrempées. Au début, on essaye d'éviter, mais au bout de deux ou trois esquives, on se dit qu'on perd non seulement un temps fou mais également beaucoup d'énergie dans ces esquives souvent vaines. Ainsi, après le premier kilomètre de marche, nous avançons les pieds baignant dans les piscines qui nous servent de chaussures.

Au douzième kilomètre, nous traversons une première rivière, la Savage river. Une traversée simple et rapide avec de l'eau au niveau des genoux. C'est au 16ème kilomètre que les choses se corsent un peu, avec la traversée de la fameuse Teklanika River, dit « the Tek ».

Moment décisif : traverser la Tek River

Nous savons que cette épreuve est décisive : la traversée est risquée et si elle s'avère trop dangereuse, nous devrons faire demi-tour. La rivière atteint 30 mètres de largeur par endroit et nous n'avons à première vue aucun moyen de passer. Nous remontons vers l'amont jusqu'à trouver une zone ou la Tek se sépare en deux bras. J'avais à peine remonté mon pantalon sur mes cuisses que mon ami était déjà les pieds dans l'eau en train de faire le premier test. Il ne semblait pas apeuré par la force du courant. Il est là, au milieu de ce petit bras de rivière d'environ 6 mètres de large, l'eau frappe avec violence ses jambes qui disparaissent sous les flots. Il n'a pas l'air de trop lutter pour rester sur place ou même pour avancer. Ce n'est qu'à moitié rassurant car on se dit qu'il suffit d'un rien, d'un faux pas pour que la rivière nous emporte et dans ce cas on ne sait pas où on va ressortir…

Robin ayant réussi à traverser une première fois à vide, nous devons à présent traverser avec nos sacs de plus de 20 kg sur le dos, ce qui se fait également sans aucun problème. Mais nous sommes à présent sur un petit ilot coincé entre le petit bras que nous venons de passer et le bras principal de la Teklanika. Ce bras fait environ 25 mètres de large, mais nous n'hésitons pas cette fois ci ; Rob et moi testons chacun le passage que nous avons choisi, lui à 10m en amont de moi. Au plus profond, l'eau nous arrive en haut des cuisses. Ça devrait être faisable ! Nous endossons nos gros sacs et nous lançons dans l'eau boueuse. Le courant pousse nos pas, il ne faut pas lutter. Il faut avancer tout droit en laissant le courant emporter nos pas vers l'aval. Au total, nous avons mis 40 minutes à traverser la Teklanika, ce qui est plutôt rapide pour une première ! Installés sur la rive pour déjeuner, nous observons un élan qui, lui, traverse le premier bras sans montrer la moindre difficulté ; facile, avec ses grandes pattes !

Into the Wild

Seize kilomètres de marche, à travers la forêt sur un sentier par endroit totalement inondé, nous séparaient encore du bus. C'est finalement après 7h10 de marche que nous avons atteint notre but. Au détour d'une courbe, on arrive sur cet espace dégagé, le bus est là, avec des bouts de plastiques en guise de fenêtres et des bois d'élans posés contre la roue arrière. La première impression est le soulagement d'être enfin arrivés, nous sommes à bout de force ! Débarrassés de nos fardeaux, nous visitons : à l'intérieur, rien ne semble avoir changé depuis la venue de McCandless : on y retrouve le poêle, le lit avec le grand matelas blanc, et la minuscule étagère ou se trouve aujourd'hui une bible déposé par ses parents en 1992 et un exemplaire du livre « Into the Wild ».

Ce qu'il est venu chercher ou fuir ici, nous le cherchons et le fuyons aussi.

L'ambiance qui règne ici, alors que je suis installé sur le grand lit, à relire quelques lignes de l'histoire de Supertramp, n'est ni glauque ni sinistre. Au contraire, le temps est plutôt aux hommages et à la compréhension de ce drôle de jeune homme. Christopher avait le même âge que nous -25 ans- lorsqu'il a trouvé la mort dans ce bus il y a 19 ans. Ce qu'il est venu chercher ou fuir ici, nous le cherchons et le fuyons aussi. Cette profonde imprégnation et découverte de la nature sauvage qui est désormais inexistante en France. Dans cette nature indifférente à notre présence, étant seulement armés d'une bombe anti-ours chacun, nous sommes loin du sommet de la chaine alimentaire. Cela permet de relativiser la place que nous occupons sur cette planète. Ici, nous trouvons une certaine solitude, une fuite de la société dans laquelle nous évoluons depuis de nombreuses années en France. Fuir pour éliminer un temps le superficiel qui occupe nos vies : surplus de communications, de technologies et de richesses. McCandless avait trouvé ses réponses, nous avons trouvé les notres. Par chance, la Teklanika nous a laissé revenir à la civilisation pour en faire bon usage…

Avis aux lecteurs : Cette randonnée jusqu'au bus est réellement très risquée, non seulement à cause de la traversée des rivières, mais également parce qu'on évolue au pays des ours, grizzlys et ours noirs. Une française est morte alors qu'elle tentait de traverser la Teklanika au cours de l'été 2010. Par conséquent, entreprendre cette expédition demande une certaine préparation et/ou l'aide d'un guide du coin. Si vous souhaitez vous lancer dans l'aventure, n'hésitez surtout pas à me contacter pour des conseils en tout genre.

Self-portrait prise par Christopher McCandless. Copyright.

Pour aller plus loin :

Into the Wild de Jon Krakauer Walden de Henry D Thoreau

Erik Halfacre http://www.christophermccandless.info/

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