Je n’avais pas remarqué que c’était la Journée mondiale de la santé de l’OMS. Un peu gênant pour un médecin. Le saviez-vous? Rattrapons-nous. Le thème de cette journée est l’hypertension, mais parlons plus largement santé.
D’abord, une pensée pour ceux qui l’ont perdue : les malades. Une seconde pour ceux qui les soignent, avec cœur et compétence.
Enfin, une troisième pour le système de santé lui-même, souvent malmené, mais qui mérite mieux. Les malades sont bien placés pour nous rappeler l’importance sociale du système de santé, assurance collective que nous nous sommes donnée pour aider les plus mal pris.
Il faut voir que la maladie est plutôt mal répartie. Même chez nous, où les gens vivent de plus en plus longtemps. L’accroissement spectaculaire de l’espérance de vie – près de 30 ans au siècle dernier! – a comme effet collatéral une épidémie de maladies chroniques dont il faut mieux s’occuper : dérangeantes, comme l’arthrose, la cataracte ou l’ostéoporose; graves, comme l’AVC, l’infarctus ou l’Alzheimer.
Au fait, le quart seulement de l’amélioration de notre espérance de vie est attribuable à la médecine moderne, le reste étant surtout lié à des facteurs sociaux: meilleures conditions de vie, salubrité accrue, revenu plus élevé et soutien social plus large. Mais un solide système de santé reste essentiel, notamment pour soigner les grands malades.
Encore faut-il pouvoir se payer les soins. Avant les années 1960, la maladie est la première cause de faillite au Québec. Aux États-Unis, c’est encore vrai : près d’un million de gens ont fait faillite en 2010 pour cause de problèmes de santé.
Une faillite conduisant à une pauvreté, qui elle cause la maladie : cercle vicieux dont il est difficile de se dégager.
C’est pour éviter ces drames que nos systèmes de santé publics aident ceux qui n’auraient jamais les moyens d’affronter seuls les coûts énormes requis par certains soins.
Énormes, et surtout concentrés sur un petit nombre de malades. Provenant de données américaines (mais la courbe est similaire chez nous), le schéma joint (excusez l’anglais, je n’ai pas trouvé de traduction) montre la relation entre dépenses en soins de santé et pourcentage des gens soignés. En clair :
- 20% des dépenses servent à soigner 1% des patients – des coûts individuels faramineux.
- 50% vont aux soins de 5% des patients — des coûts encore élevés.
- Et l’autre 50% permet de soigner le 95% moins malade – soit 19 personnes sur 20!
Un système de santé financé publiquement, c’est donc avant tout un choix éthique où s’exprime une empathie collective. Et d’un point de vue financier, c’est un partage du risque, une mutualisation.
C’est un contrat social basé sur le plus large dénominateur possible où une ponction financière sous forme de taxes et d’impôts, établie selon les moyens financiers, est ensuite répartie équitablement, selon les besoins.
Malgré des nuances dans le financement, le fonctionnement et l’efficacité, notre système ressemble à celui de la plupart des pays. Avec des différences, en mieux ou en pire.
Nous avons convenu ensemble qu’il fallait partager ce risque qui pèse d’ailleurs systématiquement davantage sur les plus pauvres. En 1960, nous avons décidé d’assurer les soins les plus onéreux, ceux de l’hôpital: c’était l’assurance-hospitalisation. Puis, en 1970, les soins médicaux : c’était l’assurance-maladie. Enfin, en 1997, l’assurance médicament a vu le jour, d’un modèle hybride privé-public causant toutefois certains problèmes.
C’est un système plus juste qu’aux États-Unis, où des dizaines de millions de personnes ne peuvent recevoir les soins requis. Par contre, l’accès aux soins est parfois chez nous plus difficile que dans d’autres pays comparables, notamment en Europe.
Autre différence: 70% du financement de la santé est public au Canada, alors qu’on monte jusqu’à 80% à 85% dans la plupart des pays européens auxquels nous nous comparons souvent.
Au fait, quel pourcentage du financement de la santé est public aux États-Unis? Comme le montre le schéma, près de 48%! Près de la moitié, dans le royaume du privé en santé. Il ne faut pas toujours se fier aux apparences. Et si on tient compte des déductions fiscales pour assurances privées, on atteinte près de 60% de financement public (portion en rouge). Presque autant que chez nous. Surprenant, non?
On oublie souvent que le système américain est composite, avec de larges parts publiques, comme Medicare, Medicaid, Veterans, etc. Au total, c’est plus d’argent public investi par habitant, en santé, que chez nous.
C’est que la seule façon de construire un système de santé répondant bien aux besoins, c’est d’y investir une large part publique de financement, permettant une redistribution efficace des fonds.
Un système de santé, c’est une assurance collective qui découle d’un impératif éthique fondamental: assurer largement l’accès aux soins de santé. C’est vital pour beaucoup d’entre nous.
En cette journée mondiale de la santé, ayons donc aussi une pensée pour notre système de santé, qu’il faut sûrement améliorer, mais dont nous ne pourrions nous passer.
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