Il a fini par laisser tomber son fromage, et un gros, ce Frank Zampino.
L’ex-président du comité exécutif savait depuis au moins 2006 qu’il y avait un problème de collusion dans l’octroi des contrats à l’hôtel de ville. Une étude et une lettre confidentielle montrant un doigt accusateur en direction de quatre entreprises de la construction, parmi lesquelles figuraient celles de son bon ami, Tony Accurso, lui avaient été présentées par le directeur général de l’époque, Claude Léger.
L’étude de vérification interne ne soufffrait d’aucune ambiguïté. On y traitait du risque de fraude, de fixation des prix et de collusion encourus par la Ville de Montréal en raison de l’absence de mécanismes de vérification et de prévention. «La Ville opère dans un environnement qui n’est pas pleinement concurrentiel», concluait le document.
M. Zampino a participé au suivi des recommandations, sans parler au maire Gérald Tremblay et à ses collègues du comité exécutif de ces troublants constats qui appelaient à un sérieux coup de balai.
Mardi devant la commission Charbonneau, M. Zampino a tenté de banaliser l’importance de l’étude. Des documents semblables sont produits tous les jours à l’hôtel de ville, a-t-il dit. Il a imputé à M. Léger la responsabilité d’en informer la maire, alors que dans la hiérarchie politique, ce rôle lui revenait d’office à titre de numéro deux de l’administration Tremblay, souvent appelée l’administration Tremblay-Zampino en raison de l’importance de son rôle de président du comité exécutif.
Qu’importent ces explications vaseuses, le mal est fait. M. Zampino affirmait depuis le début de son témoignage, il y a une semaine, que personne n’avait levé de «drapeau rouge» sur la collusion. Ni le maire, ni lui, ni ses collègues de l’exécutif, ni la haute fonction publique n’étaient au courant des stratagèmes déployés par les ingénieurs et les entrepreneurs pour obtenir un quasi monopole sur les contrats publics. Il a tout appris de la commission Charbonneau!
«Vous m’avez menti tout à l’heure lorsque je vous ai posé la question: “est-ce que vous avez déjà entendu parler d’indices de collusion à Montréal?” Vous m’avez dit non, pas avant la commission», a souligné le commissaire, Renaud Lachance, qui a épuisé sa patience à l’égard du témoin.
M. Lachance est un fin renard. Ses questions sont souvent plus incisives que celles des procureurs à la commission. Lorsqu’il prend la parole, les journalistes réunis dans la salle de presse cessent instinctivement leur chahut, car ils savent par expérience qu’il ne va pas à la pêche dans les étangs asséchés. Lorsqu’il appuie sur le bouton pressoir pour activer son micro, c’est généralement pour envoyer à la trappe des témoins à la crédibilité chancelante.
En s’appuyant sur les déclarations antérieures de Frank Zampino, et sur les suites données à l’étude de 2006, il a bien vu que les explications de l’ancienne gloire de la politique municipale étaient cousues de fil blanc. On ne peut pas ignorer tout de la collusion et prendre des mesures pour y remédier en même temps. C’est comme parler des deux côtés de la bouche, pour employer une expression populaire.
M. Lachance est tellement efficace et redoutable que certains témoins, dont M. Zampino, ont développé le reflexe de l’appeler «maître», comme s’il était un avocat. Or, M. Lachance est un Fellow de l’Ordre des comptables agréés. L’ancien Vérificateur général du Québec fouille dans le menu détail des preuves documentaires pour ébranler les témoins avec une redoutable efficacité.
M. Zampino ne s’en laisse pas imposer par le procureur en chef, Sonia LeBel, habituée d’embarrasser les témoins par ses remarques sarcastiques. Il n’était certainement pas préparé à ce qu’un comptable agréé, tout comme lui, réussisse à l’ébranler.
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