L’ingénieur à la retraite Roger Desbois livre un témoignage accablant pour l’ex maire de Laval, Gilles Vaillancourt, à la commission Charbonneau. Le monarque de l’île Jésus était parfaitement au courant des stratagèmes de collusion qui ont rapporté 2,7 millions de dollars à son (défunt) parti, le PRO des Lavallois.
De 2003 à 2009, M. Desbois a collecté des ristournes de 2 % sur la valeur des contrats d’infrastructures accordés à 20 entreprises membres du cartel de la construction. M. Vaillancourt lui demandait qui était les «bons» et les «mauvais» payeurs pour sa formation.
«Il [Gilles Vaillancourt] était au courant du rôle que je jouais. Il m’a dit simplement en ces termes: “donne les pas tous au même”», a dit M. Desbois.
L’ex maire aujourd’hui accusé de fraude, complot, gangstérisme, recyclage des produits de la criminalité et corruption s’est lui-même chargé des négociations pour établir la commission du collecteur de fonds occultes. «Prends 10 %», lui a finalement dit M. Vaillancourt, qui a négocié à la hausse pour le bénéfice de M. Desbois. L’ingénieur de Tecsult (aujourd’hui AECOM) s’attendait à une commission de 5 %.
M. Desbois a bénéficié de pots-de-vin de 106 200 $. À ces liasses empilées dans la voute de Tecsult, il faut ajouter des ristournes de 400 000 $ versés par les entrepreneurs, ce qui correspondait à une commission de 8 à 10 % sur les extras que M. Desbois avait la sagesse d’accorder sur les chantiers supervisés Tecsult. Total: 506 200 $.
C’est un miracle que M. Desbois ne soit pas accusé lui-même de fraude, complot et corruption. En fait, non. C’est la conséquence logique de sa collaboration avec l’escouade Marteau. Comme Jean Roberge, le directeur général adjoint suspendu avec solde, M. Desbois est un coconspirateur non accusé dans le projet Honorer. Il sera l’un des principaux témoins à charge de la Couronne dans les lointains procès à venir. Et quel témoin!
En moins d’une journée, le septuagénaire a impliqué dans les malversations 18 des 37 accusés du projet Honorer: l’ex maire Vaillancourt, les ex fonctionnaires Claude Asselin et Claude Deguise, les avocats Jean Bertrand (l’agent officiel du PRO des Lavallois) et Pierre L. Lambert (un associé de Dunton Rainville) et 13 entrepreneurs.
Dans le cadre de ses échanges avec les enquêteurs, M. Desbois a remis 381 000 $ des pots-de-vin qui lui étaient personnellement destinés. Et là, ça devient franchement inquiétant.
Lors de la conférence de presse qui a suivi l’arrestation de M. Vaillancourt et ses présumés complices, les enquêteurs de l’UPAC se sont vantés d’avoir saisi durant leur enquête 495 000 $ en liquide. On comprend maintenant que trois quarts des saisies d’argent sale sont imputables à un seul homme, Roger Desbois.
On loin, encore très loin des 15 millions, sinon davantage, que M. Vaillancourt aurait détourné vers les paradis fiscaux du Panama et de la Suisse.
Le Bureau de la lutte aux produits de la criminalité (BLPC), formé de procureurs spécialisés dans le blocage des biens et profits criminels des gangs, n’est pas impliqué dans le projet Honorer. Son absence étonne, comme je le rapportais récemment dans Le Devoir. En règle générale, les procureurs du BLPC accompagnent les policiers durant l’enquête pour maximiser les chances de récupérer les avoirs des gangs.
Si un intermédiaire comme Roger Desbois a pu faire un demi-million pour transporter des valises aux intermédiaires du PRO, combien ont empoché les têtes dirigeantes du stratagème?
L’enquête de l’UPAC est toujours en cours, et il faut se garder de tirer des conclusions hâtives. Tout porte à croire que les policiers québécois ne sont pas prêts d’atterrir au Panama ou en Suisse.
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