Cela fait maintenant dix jours que les enfants de la génération Lula ont envahi les artères principales des grandes villes brésiliennes. Un mouvement national a embrasé le pays, poussant des centaines de milliers dans les rues. Ils étaient un million à exprimer leur colère jeudi, de Fortaleza à Porto Alegre, en passant par Rio de Janeiro, ville hôte des Jeux olympiques en 2016. La réponse politique a tardé à se faire entendre. Dilma Rousseff, présidente de la sixième puissance économique mondiale, ne s’y attendait pas. À vrai dire, personne ne s’y attendait.
L’élément déclencheur? Une hausse de 20 centavos (environ 0,10 $), soit 7% du prix des billets dans les transports en commun à Sao Paulo, mégalopole la plus peuplée d’Amérique du Sud. Une ville où bidonvilles et appartements de luxe se succèdent à perte de vue. L’augmentation, annoncée par le maire travailliste Fernando Haddad, et soutenue par le gouverneur de l’état de Sao Paulo, a déclenché une vague de protestation sans précédent. Malgré l’essor économique et les réformes sociales que connait le pays depuis 2003, près de 40% des Brésiliens plafonnent au salaire minimum qui ne dépasse pas les 680 reais par mois, soit un peu moins de 350 $.
Le 13 juin, des milliers de jeunes Paulistanos, principalement issus des classes moyennes, ont répondu à l’appel lancé sur les réseaux sociaux par le Movimento Passe Livre (Mouvement Libre Passage), qui milite pour la gratuité des transports en commun. La police militaire, mal préparée, s’est retrouvée débordée par l’ampleur de la manifestation. Les images de la répression policière, extrêmement violente, ont inondé internet, choquant l’opinion publique.

À Curitiba, la police répond en utilisant des bombes lacrymogenes devant le palais du gouverneur de l’etat du Paraná. (Photo: Vinicius Ferreira)
Le mouvement s’étend
D’autres revendications sont venues se greffer au mouvement qui a pris une échelle nationale: ras le bol de la corruption et des dépenses publiques astronomiques engendrée par l’organisation de la Coupe du Monde de la FIFA, demande d’investissement dans l’éducation et de la santé, contestation de la violence policière. Deux jours plus tard, lors de l’ouverture de la Coupe des Confédérations, le public du stade Mané Garrincha a copieusement hué le discours de Dilma Rousseff, alors que la police repoussait 5000 manifestants aux abords de l’enceinte.
Le 17 juin, des hordes d’étudiants et de jeunes travailleurs défilent dans plus de quatre-vingts villes du pays. L’ambiance est folklorique. «Le Brésil s’est réveillé» scande la foule. À Rio de Janeiro, 300 000 manifestants se sont rassemblés sur l’immense Avenue Rio-Branco alors que plusieurs milliers d’autres ont tenté d’envahir le Parlement dans la capitale fédérale. Des débordements violents ont eu lieu en marge des cortèges à Sao Paulo et dans d’autres capitales d’état.
Des réformes sociales et politiques
Les grandes municipalité ont fini par céder en ramenant le prix des transports en commun à son niveau antérieur. La rue ne s’est pas calmé pour autant. «Je continue à manifester pour de meilleurs services publics, explique Clara, 25 ans, étudiante en histoire à l’université fédérale du Parana. Je veux une éducation et des hopitaux de qualité.» Comme la plupart des manifestants, elle ne se revendique d’aucun parti. En effet, nombreux disent ne plus se sentir représentés par la classe politique, régulièrement ébranlée par de sombres affaires de corruption.
Sous pression, à un an de l’élection présidentielle, Dilma Rousseff a tenté vendredi 21 juin d’amorcer une sortie de crise rapide. Elle a annoncé des réformes visant à améliorer les services publics: transports en commun de qualité à des tarifs abordables, plus de médecins, et l’investissement de l’intégralité des recettes du pétrole dans l’éducation. Le Brésil, éternellement décrit comme un futur grand pays sur la scène internationale, ne peut se passer des grands rendez-vous qui l’attend.
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