Martin Juneau est reconnu comme l’un des meilleurs chefs de sa génération, mais son parcours a été semé d’embûches et de déboires, comme si c’est souvent le cas en restauration.
À 35 ans, Martin Juneau a déjà été propriétaire de quatre restaurants et il était primé meilleur chef au Canada en 2011, méritant le Golden Plate Award, à Kelowa en Colombie-Britannique. Sa nouvelle adresse, La Pastago, dans la Petite-Italie à Montréal, fait partie des meilleurs nouveaux restaurants au Canada en 2012 du magazine En Route.
Dans sa chronique du Journal de Montréal, Sophie Durocher s’étonnait il y a quelques mois de voir Martin Juneau dans une publicité vantant le nouveau hamburger au jalapeno de McDonald’s. Martin Juneau s’est défendu en racontant qu’il trainait notamment une mauvaise dette à la suite de la faillite de la Montée de lait, le restaurant qu’il a dirigé pendant sept ans.
L’histoire de ce restaurant très apprécié est symptomatique de la fragilité inhérente à la restauration. L’histoire débute avec un tout petit restaurant, dans un quartier résidentiel de Montréal. Porté par le succès, La Montée de lait déménage au centre-ville de Montréal. Nous sommes en pleine crise économique et il n’y aura pas de Grand Prix de formule un cette été-là à Montréal. Le restaurant ne s’en remettra pas et il redéménagera dans son ancien quartier pour fermer quelques mois plus tard.
«Pour réussir, un restaurant doit avoir un taux d’occupation moyen de 80 %», raconte Martin Juneau. Il faut aussi contrôler ses coûts jusque dans le moindre détail.» Chaque ingrédient doit avoir plusieurs vies et il faut éviter les pertes.
La comptabilité paraît d’une simplicité élémentaire. La nourriture compte pour 30 % des coûts, et c’est serré. Les salaires représentent une autre portion de 30 % alors que les frais de loyer, de chauffage et autres coûts fixes accaparent une autre tranche de 30 à 35 %. Faites l’addition, il ne reste presque rien, peut-être une marge bénéficiaire de 5% si vous évitez le gaspillage d’aliments et répartissez efficacement les heures de travail du personnel pour éviter le temps supplémentaire.
C’est sans compter sur les imprévus. Au Pastago, Martin Juneau et son associé Louis-Philippe Breton ont cru bien faire en achetant de magnifiques couteaux Opinel à près de 10 dollars l’unité pour rehausser les couverts. Il n’en reste plus que 20 %, tous les autres ont été volés !
Les métiers de la restauration sont-ils pour autant payants ? Pas vraiment. Un cuisinier bien formé et talentueux gagne environ 15 dollars de l’heure et un sous-chef de 35 000 à 40 000 dollars par année. Un chef peut espérer gagner 50 000 dollars, quoi que certains chefs salariés de grandes cuisines peuvent gagner beaucoup plus.
Pour un chef-propriétaire comme Martin Juneau, une telle sécurité n’existe même pas. Si le restaurant va moins bien, les propriétaires ne se verseront pas de salaires.
Vous comprenez pourquoi les livres de recettes, émissions de télévision ou annonces publicitaires sont irrésistibles. C’est souvent là que les bons chefs peuvent capitaliser sur leur talent. En plus de McDo, Martin Juneau est l’un des chefs invités de l’émission Et que ça saute!, diffusée sur V.
Pourquoi Martin Juneau, déjà échaudé, tient-il tant à posséder son propre restaurant ? «Pour être capable de partager ma vision et mon expérience. Je tiens à cette liberté». Cela aussi semble irrésistible.
Père de deux petites filles, Martin Juneau a quand même décidé de ne pas se faire dévorer par sa passion. J’essaie de me limiter à 50 heures par semaine, mais je pourrais facilement travailler 80 heures. Une business de détails et de présence, disait-il…
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