Ce devait être une autre décennie glorieuse pour les pays émergents dont certains sont en voie de s’imposer comme les grandes puissances économiques du 21e siècle. L’ascension vers le sommet devait être irrésistible et sans anicroche, sur un parcours lisse et dépourvu d’obstacles. Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est que ce ne sera pas si simple et que ce n’est pas acquis.
Fini d’abord ces croissances insolentes du PIB. La croissance brésilienne n’a été que de 0,9 % en 2012, contre 7,5% en 2010. La décélération est du même ordre en Turquie où on passe de 9% en 2010 et 2011 à 2% en 2012. Le PIB indien connaît sa plus faible progression depuis 2002. La croissance chinoise est piégée par l’endettement et la fragilité du système bancaire et le ralentissement des exportations.
Ces économies ne s’effondrent pas, loin s’en faut, mais elles retombent sur le plancher des vaches. C’est là qu’elles affrontent deux types de problèmes.
Les premiers sont liés à la conjoncture économique. Par exemple, les Chinois peinent à vendre leurs produits industrialisés aux Américains – 3 mois de recul consécutifs pour les exportations en 2013 – et aux Européens – chute de 9,7 % des exportations en mai. La Chine recule parce que ses clients pataugent. De la même manière, l’économie russe grimpe et se replie au rythme du prix du pétrole et du gaz naturel. Une partie du succès des pays émergents dépend donc de la solidité des économies développées. Tout est interrelié.
Les autres facteurs leur appartiennent pleinement et sont de nature autant politiques qu’économiques. Ces pays doivent d’abord s’assurer du développement d’un marché intérieur pour moins dépendre des exportations. Au cours de la dernière décennie, les pays émergents ont augmenté leur PIB de 6 % en moyenne chaque année et la consommation est en hausse de 4,3 % par an depuis 2000, a calculé Martin Ravallion, autrefois de la Banque mondiale (The Economist 1er juin). Cela est bon signe, car on observe que le développement économique améliore les conditions de vie et favorise la création de véritables marchés de consommateurs dans les pays émergents.
Pourquoi la jeunesse turque se révolte-t-elle alors contre un projet immobilier ? Les Brésiliens sont-ils dans la rue seulement pour protester contre la hausse des billets d’autobus ? Pourquoi la révolte continue-t-elle de gronder dans plusieurs pays malgré les progrès économiques ?
C’est qu’il n’y a pas un lien direct et automatique entre le développement économique et la diminution de la pauvreté. Les inégalités sociales et les attentes suscitées par la croissance économique quant à l’amélioration du niveau de vie ou l’élargissement des droits démocratiques peuvent peser lourd dans la balance. Selon Martin Ravallion, la réduction de la pauvreté dépend aux deux-tiers du développement économique et pour un tiers d’une plus grande égalité dans la distribution des revenus. Or, plusieurs pays émergents sont très inégalitaires, pensons au Brésil.
40 millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté, mais peut-on leur reprocher de ne pas comprendre pourquoi leur gouvernement a investi 7 milliards de réaux (3,3 milliards $ canadiens) pour construire des stades qui serviront à la Coupe du monde l’été prochain, alors que les services publics sont dans un état lamentable. La décision de hausser de 20 centavos (9 cents) le coût d’un billet d’autobus pèse lourdement sur le budget des plus pauvres et constitue une métaphore puissante sur les priorités du gouvernement. Selon Globo, les habitants de São Paulo et Rio de Janeiro doivent travailler entre 12 et 14 minutes pour pouvoir se payer un billet d’autobus, alors qu’il ne faut que six minutes aux citoyens d’Ottawa.
Vendredi, les 20 millions de Pékinois étaient invités à rester chez eux à cause d’un niveau record de pollution atmosphérique. Voilà un autre facteur qui aura un impact sur ce que sera l’économie chinoise et la Chine d’ici 20 ou 30 ans.
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