J’espère que le chef du Bloc québécois, Daniel Paillé, ne trimballera pas son dernier communiqué de presse dans les écoles, les cégeps et les universités pour démontrer l’importance du débat en démocratie.
Et j’espère que Gilles Duceppe est trop occupé dans ses fonctions à la Commission d’examen sur l’assurance-emploi pour y porter attention, car il serait déçu de son ancien parti.
Car le Bloc québécois semble vouloir dicter quels sont les Québécois qui ont le droit de participer au débat sur la laïcité des institutions publiques.
Vous pouvez trouver le communiqué de presse du Bloc ici, mais avant que je vous résume quelques passages plutôt étonnants, pour ne pas dire ridicules, voici une rapide mise en contexte.
Daniel Paillé attaque les chefs du NPD et du PLC concernant leurs commentaires sur la proposition de charte de la laïcité (ou des valeurs québécoises) du gouvernement Marois. Il a le droit, c’est la manière qui cloche.
Justin Trudeau a soutenu la semaine dernière qu’il était «inquiet» de ce qu’il avait lu et entendu sur la future Charte des valeurs québécoises que proposera le gouvernement Marois. «Dans ce que j’entends, il y en a assez pour m’inquiéter. On est en train, peut-être, de répondre à des besoins qui n’existent pas.»
Lundi, Thomas Mulcair, qui avait refusé jusqu’ici de répondre à des questions sur le sujet, préférant attendre de voir le document du gouvernement, a dit que son parti collerait à la vision de la commission Bouchard-Taylor. «S’il y a quoi que ce soit dans ce que Mme Marois proposera qui va à l’encontre de cela, pour nous ce sera une fin de non-recevoir et nous nous y opposerons fortement», a-t-il dit.
Bref, comme le PLQ, la CAQ et QS, le NPD et le PLC se positionnent dans ce débat souhaité par le Parti québécois.
Maintenant, le communiqué de presse du Bloc québécois, envoyé ce matin.
Extrait 1:
«Bien qu’aucun élément de la Charte des valeurs ne soit concrètement connu, deux chefs de partis fédéraux s’imposent dans le débat. Aujourd’hui, je leur demande formellement de laisser le peuple québécois se prononcer par lui-même», a déclaré le chef du Bloc Québécois, Daniel Paillé.
Petit rappel: Thomas Mulcair et Justin Trudeau sont Québécois. Ils sont élus au Québec. Pauline Marois est leur première ministre. Ils font partie du grand tout qu’on nomme «peuple québécois».
Le PLC et le NPD détiennent 65 des 75 circonscriptions fédérales au Québec. Des députés légitimement élus. Les deux formations politiques ont des milliers de membres dans la province, qui forment eux aussi le «peuple québécois».
Cette question des accommodements religieux est délicate, et touche les chartes québécoises et canadiennes des droits et libertés. Une jurisprudence s’est notamment construite devant des tribunaux de compétence fédérale. Il est question de multiculturalisme, d’interculturalisme, de laïcité… Et un politicien actif sur la scène fédérale ne pourrait pas prendre part au débat?
Extrait 2:
Près de six ans plus tard, alors qu’aucun geste concret n’a été posé, un gouvernement québécois ose enfin se pencher sérieusement sur la question des balises conciliant diversité et affirmation de l’identité nationale. « Visiblement, cette question interpelle et semble désirée par toutes celles et tous ceux qui forment aujourd’hui la nation québécoise. Pourtant, avant même de connaître le fond des choses, Justin Trudeau s’est permis de rabrouer et de mettre en garde le Québec. Quant à Thomas Mulcair, il dicte carrément le seuil d’acceptabilité de notre réflexion. Encore une fois, le Québec se fait devancer dans son affirmation et on tente d’empêcher, d’encadrer ou de limiter les Québécoises et les Québécois dans leur volonté de définir eux-mêmes leurs valeurs communes », s’est insurgé Daniel Paillé.
Le dernier sondage Léger montre que 57 % des Québécois (et 65 % des francophones) appuient l’idée d’une charte de la laïcité. C’est une majorité, mais cela laisse tout de même 4 Québécois sur 10 dans le camp de ceux qui ne veulent pas en débattre, qui trouvent que c’est une mauvaise idée, dont un francophone sur trois. J’ai déjà affirmé que ce débat est important et qu’il doit être fait correctement, avec doigté, mais plusieurs Québécois estiment que le gouvernement Marois invente une crise pour remonter dans les sondages.
Dire que cette question «semble désirée par toutes celles et tous ceux qui forment aujourd’hui la nation québécoise», comme l’affirme le chef du Bloc, est au mieux erroné et exagéré. Ce n’est pas l’unanimité, c’est le moins qu’on puisse dire.
Et au pire, c’est un glissement vers un nationalisme pure laine que l’ancien chef Gilles Duceppe n’aurait pas apprécié. Est-ce à dire que les 62 % d’anglophones et 51 % d’allophones du Québec qui estiment dans le dernier sondage que cette charte est une mauvaise idée, ne sont pas membre de la «nation québécoise» qui elle, désirerait ce débat, selon le Bloc?
Il s’agirait d’une rupture importante avec la tradition du Bloc québécois (depuis Lucien Bouchard), qui a toujours été ouvert à la diversité de la nation québécoise.
Il faut utiliser ce concept et ces mots avec soins. La nation québécoise, ce n’est pas simplement la majorité.
Extrait 3:
«À partir du moment où l’on reconnaît l’existence d’une nation, il faut – si on est conséquent – vivre avec! C’est-à-dire qu’il faut lui permettre de s’exprimer sans entrave et reconnaître son droit de s’affirmer librement. Les chefs des partis fédéraux qui disent reconnaître la nation québécoise, s’ils sont sincères, devront passer de la parole aux actes et laisser les Québécoises et les Québécois s’inscrire par eux-mêmes dans le débat»
En quoi reconnaître une nation et son droit de s’affirmer obligerait les chefs de certains partis à s’exclure d’un débat qui touche leurs concitoyens?
Thomas Mulcair et Justin Trudeau participent au débat démocratique qui a lieu au Québec, comme les autres politiciens. Il n’y a pas eu de tentative d’empêcher qui que ce soit de «s’inscrire par eux-mêmes dans le débat».
Certains sont en faveur de la charte de la laïcité version PQ (du moins, ce qu’on en sait). Certains sont d’accord, mais avec des positions plus modérées, notamment la CAQ. D’autres sont contre, comme le PLQ, le PLC, le NPD et QS. Des experts prennent position. C’est la nature du débat, le choc des visions et des idées. C’est normal.
Plutôt que de tenter d’exclure des participants à ce débat sous prétexte qu’ils ne sont pas assez Québécois ou représentatifs, il serait bien que le chef du Bloc se prononce sur le fond du sujet, nous explique son point de vue et pourquoi il estime que sa position vaut la peine d’être entendue.
Pour l’instant, Daniel Paillé n’a pas jugé bon prendre part au débat, préférant une attaque inutile et sans fondement contre ses adversaires.
Le Québec a besoin d’une conversation plus intelligente que ça sur la laïcité.
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