C’est Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry qui vont être contents. Québec solidaire vient de présenter, ce matin, un projet de loi pour établir une «Charte de la laïcité» qui convient en tout point à leur position dans ce débat. Et à celle de Françoise David, évidemment, que la co-chef de QS défend depuis un bon moment déjà.
C’est le premier texte législatif déposé à l’Assemblée nationale depuis que le débat fait rage. Il vaut donc la peine de le souligner et de l’examiner.
À sa lecture, on constate que QS a cherché le consensus. Ce qui rassemble plutôt que ce qui divise. Ce qui ne signifie pas l’unanimité, impossible à atteindre dans un domaine aussi émotif.
Le projet de loi cherche aussi la cohérence. Et donc, ça vient avec une certaine dose de controverse.
Par exemple, dans son projet de loi, QS souhaite interdire les prières avant les réunions des conseils municipaux. C’est Jean Tremblay qui ne serait pas heureux…
Le parti veut également retirer le crucifix du salon bleu de l’Assemblée nationale et le déplacer ailleurs dans le Parlement.
Certains ne vont pas apprécier, surtout ceux qui pensent encore que ce crucifix est un objet patrimonial. Ce qui est faux, peu importe ce qu’en disent les ministres péquistes. Il a été placé à cet endroit par Maurice Duplessis en 1936 pour célébrer l’alliance entre l’Église et l’État. C’est un symbole lourd, dans l’enceinte qui vote les lois de la nation. Rien de patrimonial. Dans les religions, tous les symboles comptent, le catholicisme ne fait pas exception.
Si un gouvernement veut limiter la liberté de conscience et de religion à certains citoyens — garantie par les chartes des droits et libertés du Québec et du Canada — avec la conséquence de perdre leur emploi dans la fonction publique ou parapublique, la moindre des choses est de cesser d’étaler la religion catholique dans des lieux aussi importants que les conseils de ville ou le salon de l’Assemblée nationale. «Charité bien ordonnée commence par soi-même», dit-on… Imposer des sacrifices à certaines minorités religieuses sans s’imposer cette cohérence est irresponsable.
Québec Solidaire est d’ailleurs le seul parti à l’Assemblée nationale qui défend cette position depuis longtemps.
Il pourrait toutefois y avoir du mouvement sur ce front du côté du gouvernement, soutient La Presse dans un texte ce matin. Le crucifix pourrait être retiré. À suivre.
Par contre, cet article fait également état d’un durcissement de la charte en général, ce qui prend le chemin opposé au compromis, et opposé aux souhaits des trois derniers premiers ministres du Parti québécois. Visiblement, le gouvernement Marois veut en faire un thème électoral, et misera sur son aspect hautement divisif (interdiction à tous et total de signes religieux dans la fonction publique et parapublique), plutôt que sur les nombreux volets rassembleurs.
(Bernard Drainville a répété ce matin qu’il ne reculerait pas sur les principes. Ce n’est pourtant pas là que ça cloche, mais dans l’application et l’étendue de la charte…).
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Revenons au projet de loi de QS.
Le document propose également que la présidence et les vice-présidences de l’Assemblée nationale s’abstiennent de porter des signes religieux, eux qui dirigent les débats et représentent l’image de l’assemblée.
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Le projet de loi propose d’interdire le port de signes religieux ostentatoires uniquement pour les fonctionnaires qui représentent l’aspect coercitif de l’État (juges, policiers, procureurs, gardiens de prison).
(Dans un précédent billet, j’expliquais ce qui constitue, à mon sens, un glissement dans le débat entre ceux qui «représentent» l’État et ceux qui sont «au service» de l’État.)
Contrairement à la Coalition avenir Québec, QS n’inclut pas les professeurs du primaire et du secondaire dans l’interdiction.
En sommes, Québec solidaire reprend la position du rapport Bouchard-Taylor. Une proposition qui pourrait passer le test des tribunaux, selon certaines juristes, puisqu’il serait possible de plaider que cette contrainte n’est pas excessive et touche un nombre limité d’employés de l’État.
QS prend la peine de souligner qu’exclure des membres des minorités visibles de la fonction publique n’aide en rien leur inclusion dans la société. Il y a un volet «protection des minorités» dans le projet de loi. Un credo cher à Françoise David depuis longtemps (et qui divise le mouvement féministe depuis le début de ce débat). QS parle d’un «équilibre entre le droit d’une nation à se développer autour de valeurs commune et le respect des valeurs individuelles».
Puisqu’il n’y pas d’interdiction de signes religieux pour tous les employés de la fonction publique et parapublique (468 000 employés), une clause de retrait pour les hôpitaux, cégeps, universités ou villes devient inutile. Le projet de loi n’en contient donc pas.
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Voilà pour les différences.
Le projet de loi reprend ensuite les propositions du gouvernement qui font consensus, autant dans la société qu’à l’Assemblée nationale:
- inscription de la neutralité religieuse de l’État dans la charte des droits et libertés du Québec
- interdiction de faire du prosélytisme sur le lieu de travail
- encadrement et balises des accommodements religieux pour faciliter la tâche des administrateurs publics
- affirmation de l’égalité homme-femme
- obligation de donner et recevoir les services de l’État à visage découvert, y compris dans les écoles et les établissements de santé (QS inscrit une exception pour les services de santé urgents, lorsque la vie est en danger)
…
Il serait très étonnant que le gouvernement Marois reprenne le projet de loi de QS à son compte et l’amène au vote rapidement. Il y a une joute partisane en cours.
Mais dans ce débat enflammé, un projet de loi est enfin déposé. Et il a le mérite de proposer une voie de compromis, (quitte à être amendé) afin de clore le débat et de faire progresser le Québec. Il mérite qu’on s’y attarde.

Québec Solidaire propose d’enlever le crucifix en haut du trône du président de l’Assemblée nationale
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